Au fil des ans, des espaces insolites du Capc comme les terrasses, les escaliers, l’ascenseur ou encore le Café du musée ont fait l’objet de commandes spécifiques à des artistes dans le cadre d’une exposition. Les œuvres ainsi conçues in situ ont été acquises pour la collection. Quelques-unes de ces créations in situ sont aujourd'hui visibles en permanence dans le musée.
En 1985, le Capc consacre une exposition à Keith Haring que l'on retrouve simultanément dans tous ses espaces du musée : la Nef, les galeries du rez-de-chaussée et du second étage. Après l’accrochage de ses dessins au rez-de-chaussée, l’artiste peint directement sur les murs de la galerie. Le Capc lui propose d'intervenir sur le mur de la cage d'ascenseur qui relie les trois parties de cette exposition. Il y réalise in situ une fresque de plus de 10 mètres de haut. Au fond de l’ascenseur, un écran vitré aménagé à la manière d’une fenêtre permet d'apercevoir la silhouette d’un homme qui défile à mesure que l’ascenseur effectue son ascension et sa descente sur les deux étages du musée. Tout en haut on découvre sa tête, auréolée de petits traits, à la manière de « L'enfant radieux », une figure récurrente du travail de l'artiste.
Keith Haring est né en 1958 à Reading en Pennsylvanie et mort prématurément du sida à New York en 1990, à l’âge de 31 ans. Keith Haring est l’un des premiers artistes à utiliser le graffiti comme pratique artistique dans le métro ou sur les panneaux publicitaires. Il intervient au début dans les réseaux de transport de New York, puis sur toutes sortes de supports, contestant toute hiérarchie entre l’art et la rue et diffusant ses créations sous la forme d’éditions multiples. Contemporain et ami de Kenny Scharf et de Jean-Michel Basquiat, sa peinture ou ses dessins au feutre reflètent l’immédiateté de leur époque. Il met en scène des personnages aux traits épurés et schématiques, dont l’efficacité est héritée des médias, ou du Pop Art. Avec ses personnages reconnaissables comme de véritables hiéroglyphes contemporains, il devient très vite un emblème, puis une légende, des mouvements culturels alternatifs de l'Amérique des années 80.
L'œuvre de Keith Haring témoigne d'une incroyable fertilité iconographique et d'une maitrise incontestable de la ligne et de l’espace tout en convoquant en toile de fond les combats contre l’apartheid, les religions, le capitalisme, l'homophobie ou le sida…
Cette œuvre est en cours de restauration.
Elle a été enlevée temporairement de la terrasse. À sa place, se trouve actuellement une installation de l'artiste anglais Abbas Zahedi (voir plus bas sur cette page).
Cette œuvre réalisée in situ est une commande passée à l’artiste en 1990 à l’occasion de la dernière réhabilitation du musée. White Rock Line est une ligne de quarante mètres de long et d’un mètre cinquante de large, constituée d’une pierre calcaire blanche, blancheur caractéristique qui donne son titre à l’œuvre. Les 18 tonnes de calcaire proviennent de la carrière de Malville située à proximité de Ribérac en Dordogne. Installée par l’artiste au printemps 1990, White Rock Line, 1990 remade 2014 est le pendant naturel de la Ligne d’ardoise, 1985 appartenant à la collection du Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA et déposée au Capc, une sculpture grise et plate réalisée à partir de plaques d’ardoise et exposée depuis 1985 sur la terrasse opposée.
Ces deux œuvres invitent à déambuler le long des terrasses et à confronter notre marche à celles que réalise l’artiste en parcourant le monde depuis plus de soixante ans car pour lui « Marcher » revient à « dessiner le temps qui passe ».
Richard Long est né en 1945 à Bristol (Royaume-Uni) où il vit et travaille encore. Grand marcheur et voyageur, ses œuvres naissent de la rencontre avec des paysages et des matériaux prélevés sur le lieu de ses marches. À l’exception des écrits et des photographies, ses œuvres s’inscrivent dans la nature ou en explorent les qualités et fragilités intrinsèques, comme la boue avec laquelle il a peint à plusieurs reprises sur les murs ou le sol du musée ou encore le bois flotté qu’il avait collecté pour sa première exposition au musée en 1981.
Le Capc possède l’un des ensembles les plus importants d’œuvres de Richard Long en France avec neuf œuvres inscrites sur son inventaire et plusieurs livres d’artiste.
Boue sur mur et boue et peinture vinylique sur mur
Diamètre : 350 cm
Garonne Mud Circles, Garonne Black Mud Circle, 1990
(Cercles de boue de la Garonne, Cercle noir de boue de la Garonne, 1990)
Boue sur mur et boue et peinture vinylique sur mur
Diamètre : 350 cm
Les deux cercles de boue qui se font face sur deux murs du Café du musée ont été réalisés suite à une commande passée à Richard Long au printemps 1990, à la fin du chantier de rénovation de l’Entrepôt Lainé. L’un est composé de quatre cercles concentriques en boue directement appliquée sur la cimaise, l’autre d’un seul cercle, plus large, contrastant sur un fond de peinture noire.
La boue en question a été prélevée sur les berges de la Garonne. Richard Long expliquait déjà en 1984, après l’exécution d’une précédente œuvre murale Gironde Mud Circle, 1984 que le spectacle de l’estuaire de l’Avon, la rivière qui baigne sa ville natale de Bristol, avait été « l’une des grandes influences de [son] enfance ». La proximité du musée avec la Garonne, corroborée par l’ancienne fonction de l’Entrepôt, a donc été considérée par l’artiste comme déterminante pour caractériser le site et choisir ce matériau.
Le caractère pictural de ces deux œuvres, qui consistent en une matière colorée appliquée sur le mur blanc des cimaises, est incontestable ; on remarque aussi les traces de doigts et les éclaboussures qui viennent contredire (ou souligner) la géométrie parfaite des cercles. La réalisation de l’œuvre, ample et gestuelle, est responsable d’une aura de projections autour de ces deux grandes formes solaires. À l’instar d’une peinture pariétale, la trace des doigts de l’artiste et l’emploi d’une substance colorée aussi élémentaire que la boue fluviale, dévoilent une dimension primitive de l’art.
L’œuvre de Richard Long est littéralement ce que décrit son titre, un passage entre nature et culture. Par l’expérience directe qu’il fait du monde, à la fois naturel (la matérialité de la boue prélevée aux environs du musée) et culturel (l’inscription au sein d’un lieu de création et de mémoire humaines), il propose une réflexion sur le sens même de l’œuvre d’art.
Cette installation a connu une véritable odyssée dans l’histoire des collections.
Exposé une première fois en 1974 dans le cadre de l'exposition collective Pour Mémoires (galeries Foy du rez-de-chaussée du musée) cet ensemble d’objets, dessins et photographies a été regroupé à la fin de l’exposition dans une caisse en bois. L’œuvre fut conservée sous cette forme et exposée de 1994 à 2005 sous le titre Les réserves du Musée de Christian Boltanski. Alors que dès le milieu des années 1990, l’artiste avait souhaité réaliser une installation in situ avec cet ensemble d’objets dans un espace sépulcral, le Capc lui propose en 2005 un petit espace dérobé dans un des escaliers du musée. Une vitrine y est installée et une petite ouverture est aménagée dans la porte afin de laisser entrevoir les documents et les objets ayant appartenu à l’artiste depuis l'extérieur. Ces photographies accrochées sur les murs, témoins d’une vie réelle ou fictive, nourrissent depuis plus de cinquante ans une œuvre traversée par les questions de mémoire et d'identité, d’individus perdus dans l’histoire collective. Christian Boltanski, dont l’œuvre lutte contre l’oubli, choisit alors d’intituler cette installation Pour mémoire et rend ainsi hommage au titre de l’exposition éponyme de 1974.
Christian Boltanski (1944-2021) est né en 1944 à Paris
En 1989 et 1990, le Capc a eu l’immense privilège d’acquérir deux œuvres de Christian Boltanski Inventaire photographique des objets ayant appartenu au jeune homme d’Oxford de 1973 et Inventaire des objets ayant appartenu à une jeune fille de Bordeaux de 1990, rares exemples de ce type dans des collections publiques françaises.
Rez-de-chaussée, au mur, au-dessus de l'ascenseur
et second étage, galerie Foy, sur un tondo fixé au mur
L’œuvre est un diptyque qui se développe sur deux espaces distincts au-dessus des portes de l’ascenseur au rez- de-chaussée et au deuxième étage du musée. La première peinture est peinte à même le mur en béton et suggère un élément de signalétique : un triangle pointe tournée vers le haut. Ce premier triangle invite à entrer dans l’ascenseur et à découvrir le tondo à l’étage, lointaine allusion à la lune à laquelle renvoie le sous-titre de cette œuvre emprunté au roman éponyme de Cesare Pavese In memoriam : La Luna e il Faló. Créée le 13 janvier 1998, cette œuvre de Niele Toroni consiste selon la méthode de l’artiste depuis la fin des années 60 à répéter un geste pictural qui se résume à laisser une empreinte de peinture à l’aide d’un pinceau n°50 tous les 30 centimètres.
Toroni revendique "le degré zéro de la peinture" qu’il détermine comme un geste de non-recouvrement d’une surface. Ses empreintes prennent habituellement pour support des toiles tendues sur châssis comme celles qui se trouvent dans la collection mais aussi les murs des lieux qu’il investit.
Niele Toroni est né en 1937 à Locarno-Muralto dans le Tessin Suisse. Il vit et travaille à Paris. En 1966/1967, il est le fondateur du groupe BMPT, composé de Daniel Buren, Olivier Mosset et Michel Parmentier. Ce groupe, convergence temporaire de quatre artistes qui entendaient interroger de manière critique le sens de l’activité picturale, se situait à la croisée de l'art conceptuel et du minimalisme.
Niele Toroni a réalisé en 1997 une installation dans la nef titrée Une place pour des quinconces, un choix de rouge, qui prenait à parti l’espace grâce à l’empilement pyramidal d’une série de barriques de vin vides, dont les fonds étaient peints en blanc et couverts des fameuses empreintes.
L’artiste britannique Abbas Zahedi est invité par le Capc à intervenir sur les terrasses du musée, à l’emplacement de l'œuvre White Rock Line (1990) de Richard Long – temporairement désinstallée pour restauration.
L'installation White Rock Line (1990) de Richard Long est le point de départ d’Abbas Zahedi qui, plutôt que d’occulter la présence de cette œuvre, marque son absence par la pose d’une signalétique « fantôme » aux dimensions exactes de l’intervention de Richard Long, prenant la forme d’une barre de chargement – du type de celle que l’on a l’habitude de voir sur nos écrans. Ce geste pour signifier « l’attente » de l’art, du retour de l’œuvre de Richard Long, mais aussi penser notre rapport à l’œuvre d’art au musée et au-delà.
Commissaire : Cédric Fauq